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En
analysant la production plastique d’un artiste dans son entier,
l’historien de l’art s’attend à trouver une progression,
un fil conducteur qui subsistera malgré les changements stylistiques
inhérents à une longue carrière artistique. La production
picturale de Gaston-Louis Roux, peintre français né en 1904
et décédé en 1988, ne correspond pas à l’attente
de l’historien de l’art. Cette production est singulière,
faite de bouleversements stylistiques parfois radicaux, et de ce fait
éminemment intéressante et intrigante.
Gaston-Louis Roux fut rapidement reconnu comme un talent très prometteur,
que se soit par les artistes, les critiques ou les acteurs du marché
de l’art. Pourtant, sacrifiant une carrière brillante au
sein des avant-gardes des années vingt et trente, le peintre abandonna
le style qui l’avait fait connaître au profit d’une
peinture figurative de type traditionnelle. Un parcours « à
rebours » si l’on peut dire, qui nous amène à
nous pencher sur l’ensemble de la carrière de l’artiste
et non sur un tronçon comme ce fut le cas jusqu’à
présent.
Cette étude se présente avant tout comme étant la
première monographie conséquente mettant en évidence
le processus plastique et intellectuel qui engendra chez l’artiste
le refus d’une certaine modernité à laquelle il adhéra
dans sa jeunesse au profit d’un style radicalement autre. Toutefois,
la problématique se veut plus large en apportant une réflexion
sur la place et la reconnaissance au sein des galeries, des institutions
et de l’Histoire de l’Art, d’un artiste au parcours
hors normes. Par conséquent, deux lignes directrices indissociables
l’une de l’autre, subsisteront tout au long de cette étude :
d’une part, nous montrerons comment un artiste éminemment
moderne, au cœur des préoccupations formelles et intellectuelles
de son époque, s’est tourné, après un long
processus mis en évidence par l’analyse de ses œuvres,
vers la peinture d’après nature, d’autre part, nous
analyserons les différentes places qui furent accordées
à Gaston-Louis Roux sur la scène artistique mais aussi au
sein de l’Histoire de l’Art.

Après
avoir mis en évidence les circonstances dans lesquelles naquirent
les premiers émois artistiques de l’artiste, nous nous pencherons
sur sa formation. En effet, loin de n’être que le passage
obligé de toute étude monographique, les années de
formation du jeune artiste à l’Académie Ranson eurent
une importance considérable, non pas aussitôt bien qu’elles
lui donnèrent les moyens de s’exprimer, mais surtout lors
de l’approche du travail sur nature, où il se référa
à l’enseignement classique qui lui fut dispensé durant
ces études. Rapidement, il fait la connaissance de personnages
importants, comme Jeanne Bucher qui lui organise une petite exposition
ou André Malraux avec lequel il collabore pour la réalisation
d’illustrations d’ouvrages.
Néanmoins, la rencontre qui demeure la plus importante de sa carrière,
est celle du marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler. Après
avoir rappelé l’importance du marchand sur la scène
artistique de l’époque et jusqu’à nos jours,
nous nous intéresserons au milieu intellectuel ainsi qu’aux
peintres qui gravitent autours de ce personnage. Effectivement, en entrant
en contrat d’exclusivité chez le « marchand des
cubistes » et en y réalisant sa première exposition
personnelle, Gaston-Louis Roux est non seulement reconnu par le marché
de l’art mais fait la connaissance des surréalistes dissidents
qui auront une influence sur sa production plastique et avec lesquels
il noue une amitié durable.
C’est le cas par exemple du poète et dramaturge Roger Vitrac
qui sera pour Gaston-Louis Roux un critique élogieux et prolifique,
rédigeant des articles pour quelques unes des revues les plus avant-gardistes
de l’époque, qui sont devenues des références
quant à la compréhension du climat idéologique et
artistique des années trente. Les écrits de Vitrac et la
parfaite symbiose unissant les deux artistes nous permettent d’aborder
les éléments formels et thématiques du style de Roux,
dont une ébauche avait déjà été élaborée
lors du commentaire des œuvres exposées en 1929 à la
galerie Simon.

Le premier bouleversement surgit en 1932 dans la carrière prometteuse
de l’artiste : à la surprise générale,
ce dernier décide d’accompagner pour une partie du trajet
la désormais célèbre Mission Dakar-Djibouti. Démarche
étonnante qui s’explique par un certain nombre de facteurs
que nous mettrons en évidence, après nous être intéressés
à la mission en elle-même, ses buts, ses acteurs ainsi que
le statut qui lui est donné à l’époque et celui
qu’elle occupe dans l’histoire de l’anthropologie. Nous
déterminerons ensuite quelle fut la place accordée à
Gaston-Louis Roux, son rôle et l’intérêt qu’il
a tiré de cette aventure qui, nous le constaterons, ne se situe
nullement sur le plan artistique.
Le retour de l’artiste en France marque le début de recherches
formelles frénétiques et variées qui sont, pour ses
proches, les signes d’un trouble évident, que Georges Bataille
mettra en lumière dans sa préface de la dernière
exposition personnelle de l’artiste sous l’égide de
Kahnweiler. Nous insisterons sur le fait que malgré des recherches
multidirectionnelles, le style de Roux, si novateur et personnel, perdure
bien qu’une place commence à être consacrée
à la figuration.

Après avoir montré que ce choix n’est pas réalisé
arbitrairement mais découle d’une volonté idéologique
et stylistique du peintre dont certaines recherches précédentes
peuvent rétrospectivement être les signes précurseurs,
nous établirons, par le truchement des dires de l’artiste,
une ébauche de définition de la figuration telle que Gaston-Louis
Roux la pratique. Soutenu par ses pairs, Gaston-Louis Roux, déchu
de son rang de moderne après avoir rompu avec Kahnweiler, doit
trouver une nouvelle place sur la scène artistique. A la suite
de quelques balbutiements, il est exposé dans la galerie des Cahiers
d’art et enchaîne les expositions individuelles et collectives,
affirmant des choix plastiques difficilement compatibles avec une idée
moderniste et progressiste de l’art contemporain. De fait, il est
nécessaire de comprendre, en analysant les données relatives
aux expositions de l’artiste, quelle place lui est accordée
sur la scène artistique.
La date de ces deux rencontres reste incertaine. Ces informations nous
ont été fournies par Patrick Waldberg et Pierre Georges
Bruguière. Selon la famille de l’artiste, les rencontres
auraient eu lieu plus tard, vers 1927.
Encore une fois, la date des rencontres est sujette à discussion.
En entrant dans la galerie Simon, Gaston-Louis Roux est introduit un milieu
d’intellectuels et d’artistes. Cependant, il avait peut-être
déjà eu l’occasion de rencontrer certains d’entres
eux.
Seule la première exposition personnelle du peintre sera mentionnée.
Une liste (la plus complète possible) des expositions personnelles
et collectives de l’artiste est proposée indépendamment
de la biographie par souci de clarté. La même démarche
sera adoptée pour les livres illustrés par l’artiste.
Il s’agit d’un peintre qui, dès 1920 obtint un contrat
dans la galerie de Kahnweiler, avant se retourner, en 1932, vers une figuration
de type traditionnelle, comme Gaston-Louis Roux le ferra plus tard.
Ce titre lui est souvent conféré car il fut un des premiers
marchands à acheter les œuvres de Picasso, Braque ou Gris.
(source
: « Gaston-Louis Roux, de Marie Perrier, Université Michel
de Montaigne, Bordeaux III- Année 2003/2004 - Maîtrise d’Histoire
de l’Art Contemporain - Sous la direction de M. Dominique Jarrassé
»)

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